Aujourd’hui au micro des VISCONTI Talks, Erfane Arwani cofondateur et CEO de Biomemory, deeptech française à la croisée de la biotechnologie et de l’informatique, spécialisée dans le stockage de données moléculaires.
Quelques mots sur Erfane Arwani
Erfane Arwani est un ingénieur en informatique dont l’activité principale est de créer de nouveaux produits, en se focalisant sur ceux en rupture ou utiles pour ses clients.
Qu’est-ce que Biomemory ?
Biomemory est une entreprise spin off de CNRS Sorbonne Université. Les recherches, qui ont commencé en 2018, avaient pour sujet le stockage de la donnée informatique sur des brins d’ADN de synthèse.
Ces recherches ont été concluantes, après un premier résultat, Erfane et les autres cofondateurs (Stéphane Lemaire et Pierre Crozet) décident de créer une entreprise. En juillet 2021, Biomemory est créée et depuis le projet n’a de cesse de grandir.
Quelques explications sur le métier du stokage par l’ADN
Pourquoi a-t-on besoin de stocker sur l’ADN ? Depuis des décennies, des immenses data center préservent nos données informatiques.
Aujourd’hui il y a une forte croissance de ces data centers et les géants du secteur, privé et public, ont du mal à continuer à stocker. Ils cherchent donc des solutions alternatives, complémentaires, à l’électronique (disque dur, mémoire flash…).
Une solution est la candidate idéale : la molécule d’ADN. Elle offre beaucoup de densité, bien plus forte que celle des supports électroniques, et une grande durabilité. L’ADN a été naturellement inventée pour stocker, transmettre et s’exprimer. Ici, le but est de se réapproprier uniquement sa fonction stockage.
Quelle est la vision d’Erfane et les ambitions de Biomemory ?
Le but est d’offrir des capacités supplémentaires sans rien bouleverser pour les data center.
L’ambition est simple : 80 % des données du monde peuvent être stockés sur ce type de support, l’objectif est de faire adopter au marché ce type de support et que Biomemory soit un des acteurs clés de ce sujet.
Quel est l’enjeu principal d’un dirigeant qui fait face à un projet aussi ambitieux ?
Chaque dirigeant vit le métier à sa manière. En ce qui le concerne, la grande difficulté d’Erfane est son impatience. Il doit trouver le juste milieu entre ne pas brusquer ses équipes mais en même temps les faire sortir de leur zone de confort et gérer les changements de phase.
Une entreprise change entre sa création, sa première levée de fonds, la deuxième et un éventuel passage en bourse ou une acquisition.
Les équipes évoluent. Erfane pratique la règle des 15%. Après un changement de phase, il a remarqué que 15% des collaborateurs n’étaient plus adaptés, il faut donc trouver des solutions.
Le sujet des talents à intégrer tout au long de l’évolution de la société est critique tant dans le recrutement que dans le travailler ensemble.
Quel est le secret d’Erfane pour faire travailler toutes ces personnes ensemble sur la durée tout en intégrant régulièrement de nouveaux talents ?
Erfane met un point d’honneur à ne jamais travailler avec des gens qui ne sont pas en mesure de se projeter.
Quand ils se rencontrent, Erfane demande au futur collaborateur ce qu’il pense accomplir d’ici dix ans.
La réponse n’est pas évidente mais très importante. Sans objectif, il ne peut pas aider le collaborateur.
Si la relation est à sens unique, si la personne vient seulement pour aider l’entreprise, elle va finir par manquer de résilience et partir.
Erfane appelle ça les dix objectifs de vie, cela tient dans deux questions : « Êtes-vous capable d’écrire les dix choses que vous aimeriez avoir accompli dans votre vie ? Et si vous étiez une autre personne et que vous deviez parler de vous-même, que diriez-vous ? ».
Un exemple concret ?
Un des dix objectifs de vie d’Erfane est d’écrire un livre ou quelque chose de similaire.
Aujourd’hui, il est donc en train de créer une bande dessinée sur l’informatique moléculaire.
Ici, il lie le professionnel et le personnel pour réaliser un objectif de vie.
Un autre objectif qu’Erfane est de participer à la création d’une filière qui pourrait regrouper beaucoup de personnes et de compétences différentes.
Ce sont des objectifs qui lient envies personnelles et vie professionnelle, qu’il essaye de mener à bien parallèlement à ses activités.
Biomemory s’inscrit dans une science française. Erfane voit-il cette continuité avec le passage d’une science à l’autre tout en utilisant le même support ?
Erfane souhaite utiliser ce qu’il a vu dans la biologie moléculaire et la biologie de synthèse pour l’appliquer dans son univers, qui est un monde d’IT, de data center, d’infrastructures. Jusqu’à présent, l’informatique est venue aider les autres secteurs.
Pour Erfane, le moment est venu pour l’informatique de se faire aider à son tour par un secteur complémentaire.
Un point à ajouter sur l’organisation d’Erfane en tant que dirigeant ?
Si on veut s’organiser en tant que dirigeant c’est un peu comme un mal de dos.
Pour le soigner, on achète un bon matelas, on mange mieux, on travaille sa posture, on fait du sport.
Pour être un bon dirigeant, c’est un peu la même approche. Il y a à la fois le stratégique, mais aussi l’aspect organisationnel de son agenda.
Quel message Erfane ferait-il passer à ses camarades dirigeants ?
Aujourd’hui, il est assez compliqué d’entreprendre en Europe.
Il y a une perte de vision, mais tout n’est pas perdu, il faut s’accrocher car de belles choses sont encore à accomplir.
Il y a d’excellents profils en Europe, il s’agit de leur redonner espoir, il faut avoir des messages positifs pour motiver les gens à accomplir des choses incroyables
En conclusion, Biomemory est un futur leader mondial du biodata storage issu du territoire français, mais dont le terrain de jeu est mondial, qui a su attirer des talents humains exceptionnels.
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Xavier REGNAUT
« La vérité nous rend libre ». JP II