Caroline Mondon, coach et Partner Visconti, reçoit aujourd’hui Baptiste Gendron, président fondateur de Yelhow. Yelhow est une start-up qui conçoit des logiciels de gestion du flux de compétence et de polyvalence.
Définition du flux de compétence
Le flux c’est un écoulement. Il y a quatre écoulements essentiels à la vie d’une entreprise :
- Le flux d’informations : prévisions, commandes clients, ordre de fabrication, les alertes lors de problèmes qualité, etc.
- Le flux financier : le cash ou la trésorerie et le fameux BFR : Besoin en Fond de Roulement dont l’excès est la cause principale du décès des PME en France
- Le flux physique : les matières premières, les sous-ensembles, les produits finis et les services associés
- Le flux de compétence : qui a les compétences, à qui les transmettre, comment, quand ?
Le Dirigeant est le chef d’orchestre de ces flux. Son rôle consiste à les coordonner harmonieusement pour éviter les ruptures qui pénalisent les clients, et en même temps, assurer la rentabilité des processus qui supportent ces écoulements.
C’est grâce à la bonne coordination des flux que la supply chain de l’entreprise crée de la valeur et devient ainsi le levier dynamique de la mise en place de la stratégie du dirigeant.
Qui est Baptiste Gendron ?
Baptiste Gendron ingénieur de formation est serial entrepreneur. Il œuvre dans l’industrie depuis quinze ans. Sa spécialité est le logiciel industriel.
Que fait la société Yelhow ?
La mission de Yelhow consiste à contribuer à rendre les entreprises plus performantes et résilientes.
Grâce à un traitement en temps réel des informations du terrain, Yelhow réalise l’adéquation entre les besoins de production et les compétences disponibles.
Yelhow a deux métiers :
- Éditeur et concepteur de logiciels industriels. Ils aident les femmes et les hommes de terrain dans leur quotidien avec des outils digitaux visuels, simples, mobiles.
C’est ainsi qu’ont été développées une solution de gestion des compétences, de la polyvalence et de la formation appelée Alex ainsi qu’une solution de planning opérationnel appelée Tim.
- Accompagnateur d’industriels dans la conduite du changement pour mettre en œuvre la stratégie de développement des personnes, des compétences et la transmission des savoirs.
Qu’est-ce qui a donné envie à Baptiste de créer sa société Yelhow ?
Cette envie est née d’une rencontre avec l’industriel Daher qui lui a ouvert les portes d’une centaine d’usines dans le monde sur lesquelles il opère. Ce laboratoire a permis à Baptiste d’observer l’état des usines. Il lui a été facile de constater que tout l’investissement est placé dans les machines et non dans les personnes, alors que ce sont les actrices clef de la bonne circulation des flux dans l’entreprise.
Qu’a observé Baptiste comme conséquence de ce constat ?
Des problèmes récurrents, rencontrés quelle que soit la taille de l’entreprise et son secteur d’activité :
En voici trois :
- Premier problème : les écarts systématiques lors des audits de certification entre les matrices de polyvalence et la réalité du terrain.
La raison est simple : la quantité de données.
Pour une équipe de cent collaborateurs qui ont une centaine de compétences, habilitations et savoir-faire, cela fait 10 000 points de mesure quotidiens à suivre.
Il faut ajouter à cela des équipes qui changent et des processus qui évoluent. Résultat : les tableaux Excel ne sont jamais à jour.
- Deuxième problème : le turnover et les départs en retraite massifs qui entraînent des pertes de savoir-faire. Les personnes restent moins longtemps dans la même entreprise, on fait beaucoup appel aux intérimaires et il y a une part importante de sachants qui partent à la retraite sans transmission de savoir.
- Troisième problème : la formation des nouveaux recrutés, le fameux « onboarding ».
Quelles conséquences cela a sur les flux ?
Le premier problème évoqué a pour conséquence des matrices de polyvalence qui ne sont pas à jour. Cela signifie que le flux d’informations est cassé. Or, on prend des décisions opérationnelles depuis cette matrice pour affecter des personnes sur les activités des sites.
L’impact peut alors être une certification non obtenue ou encore des accidents lorsqu’on met des personnes non habilitées sur des postes.
Pour le deuxième problème, celui des départs : là c’est le flux de compétence qui est interrompu.
Cela peut alors prendre deux ans de réapprendre à opérer un poste, à régler une machine…
Le troisième problème a pour conséquence des personnes mal formées qui engendrent des problèmes de qualité, de productivité. Ces problèmes génèrent du sur-stock et donc de la mobilisation financière inutile.
A ces problèmes qui viennent perturber les flux de l’entreprise s’ajoutent les perturbations dues aux variabilités du monde de l’industrie qui ont considérablement augmenté ces dernières années. Les supply chains sont devenues très complexes depuis la globalisation (rupture d’approvisionnement, pénurie de talents, etc…).
Quelle est la solution de Baptiste face à cette complexité croissante ?
Introduire de l’agilité pour stabiliser ces variations de flux.
Yelhow se concentre sur le développement de l’agilité des équipes pour assurer la performance et la résilience de l’entreprise.
La clef est la polyvalence qui favorise l’intelligence collective pour trouver des solutions.
Grâce à la polyvalence, quand les personnes occupent différents postes, elles comprennent mieux d’où vient et où va le flux et peuvent ainsi mieux le protéger.
Comment Baptiste propose-t-il de résoudre ces problèmes universels ?
Selon lui, ces problèmes se résolvent avec les personnes du terrain.
Chez Yelhow, les outils digitaux sont conçus avec les collaborateurs qui en ont besoin, autour d’une méthodologie de co-conception, avec des phases d’observation, d’idéation, de prototypage tout au long du cycle de vie des logiciels pour assurer une adéquation parfaite entre l’utilisateur et l’outil.
Ils ont ainsi développé des outils visuels, collaboratifs et mobiles pour le terrain.
Cela s’applique aux trois problèmes cités précédemment :
Solution au premier problème : la digitalisation et le management visuel pour que les matrices de polyvalence deviennent un outil de pilotage et non de contrôle.
Ce qui implique :
- Digitaliser les compétences des collaborateurs et les preuves de formation pour assurer la traçabilité, l’archivage et la centralisation des données
- Mettre à disposition des formateurs internes et des RH une apps pour réaliser la formation et collecter les preuves
- Mettre à disposition des matrices de polyvalence interactives
La matrice de polyvalence est ainsi toujours à jour.
Solution au second problème : la cartographie et la transmission des savoir-faire
Ce qui implique :
- Officialiser le rôle de formateur interne et le valoriser, c’est-à-dire le reconnaitre
- Donner une apps mobile simple, visuelle pour que l’expert formateur partage ses savoir-faire et crée les plans de formation qu’il améliore au fil de l'eau
Solution au troisième problème : la formation et le développement de la polyvalence
Ce qui implique :
- Lorsqu’un nouveau collaborateur arrive dans l’équipe, l’affecter sur un ou plusieurs postes avec un objectif et son plan de formation personnalisé en consolidant les standards sécurité, qualité et la formation au poste
- Utiliser le moteur de recherche Alex pour trouver un remplaçant lorsqu’un collaborateur est malade. Alex se charge de trouver un collaborateur qualifié dans les autres équipes en vérifiant les dates d’habilitations.
- Utiliser le moteur prévisionnel qui donne le plan de charge de formation à venir et le mettre en regard du plan de production
- Prévoir le plan stratégique de formation des montées en compétences sur trois ans.
Il s’agit là de faire de la GPEC (Gestion Prévisionnel des Emplois et des Carrières) avec des données du terrain en temps réel.
Tous les dirigeants et leur DRH ont un jour rêvé de cet accès direct en temps réel aux données des activités du terrain. Quelle est la « secret sauce » : le secret pour que ça fonctionne ?
Le secret ce sont les formateurs internes, valorisés au même titre que les managers par les dirigeants. Lorsqu’ils enseignent, ils sont le moteur du cercle vertueux de l’amélioration continue et ils introduisent les innovations.
Ils font équipe avec les managers pour faire circuler les flux grâce à leur partage de données à jour.
Est-ce que Baptiste utilise l’Intelligence Artificielle et, si oui, comment ?
L’IA et le Machine Learning existent depuis quarante ans mais aujourd’hui nous avons en notre possession de grandes quantités de données et des machines très rapides, donc nous arrivons à en extraire des résultats plus intéressants.
Par exemple, nous avons la possibilité de :
- Proposer des formations en fonction de la productivité des personnes ou du nombre de défauts qualité mesuré en temps réel et comparé aux gaussiennes
- Proposer des objectifs de polyvalence par équipe en fonction des plans de charge passés et à venir et en prenant en compte les congés et absences des personnes
- Mettre en place un planning intelligent pour maintenir les compétences avec des pratiques régulières
L’IA est très utile car elle analyse les données passées pour proposer des options d’avenir.
Pour conclure voici 3 recommandations :
- Face à la complexification des supply chains dans un monde incertain et face au turn over croissant des salariés, les formateurs internes sont au cœur de la création de valeur dans l’entreprise. Ils assurent à la fois l’amélioration continue et l’introduction des innovations.
- Aux Dirigeants et à leur DRH : suivre en temps réel et anticiper la polyvalence des salariés. Les outils digitaux mobiles assistés par l’intelligence artificielle le permettent. Cette polyvalence reconnue et encouragée deviendra alors un moteur de performance, d’agilité et de résilience de l’entreprise.
- Utiliser un outil visuel de suivi de la formation et de la polyvalence à la portée de tous, comme un véritable livre ouvert sur l’intelligence collective de l’entreprise.
C’est la clef du succès de YELHOW : de façon simple, transparente et structurée, cette innovation permet au flux de compétence de créer les conditions de la pérennité de l’entreprise.
Caroline MONDON
« On leur a dit que c’était impossible, alors elles l’ont fait »