Frédéric Lassale, partner coach chez Visconti Partners, reçoit aujourd’hui Ondine et Virgile Suavet, frères et sœurs, co-ceo de MyLight, leader dans le secteur des énergies renouvelables et dans le développement de systèmes dédiés à l’auto consommation de l’énergie solaire.
MyLight se positionne comme un acteur de la transition énergétique et s’inscrit dans ce changement actuel qui veut faire de chaque citoyen un producteur-consommateur d’énergie.
Est-ce vraiment la fin de l’abondance énergétique alors que MyLight est en forte croissance ?
Selon Virgile, c’est surtout la fin de l’abondance des énergies fossiles, tout du moins en Europe. Ce fut l’une des principales sources de développement des sociétés modernes et c’est aujourd’hui l’origine de multiples crises. Il en résulte que l’électricité est l’énergie de demain. Les usages s’électrifient massivement et même si la consommation globale d’énergie reste stable, le développement du véhicule électrique et la fin du chauffage au fuel nécessitent que l’on développe à très court-terme de nouvelles capacités de production.
Or, pour garantir la rapidité de cette électrification dans un contexte dans lequel notre parc nucléaire rencontre de grosses difficultés de production, les énergies renouvelables et plus particulièrement le solaire photovoltaïque sont les solutions d’avenir pour une production de masse à court-terme. Mais quels sont les atouts du solaire ?
Sa rapidité de développement : déploiement et facilité de mise en œuvre sans équivalence)La diversification des sources de financement de cette énergie : particuliers, développeurs de centrale, industriels, fonds d’investissement…
Ce déploiement des énergies renouvelables s’accompagne d’un changement massif de paradigme au niveau des usages. L’enjeu aujourd’hui est de prévoir la future production d’électricité et de piloter sa propre consommation donc ses usages.
MyLight a-t-elle réinventé le stockage de l’énergie avec sa batterie virtuelle ?
Comme Virgile, Ondine affirme que le défi des énergies renouvelables et du solaire est l’intermittence. L’hiver comme on produit moins, il n’y a pas assez de production, l’été à l’inverse on produit trop. Alors comment résoudre ce problème ? La batterie virtuelle est une des réponses. Cela consiste à se servir de la complémentarité des usages de son parc de clients pour équilibrer les échanges et les surplus, en utilisant le réseau physique d’électricité.
Pourquoi penser batterie virtuelle avant batterie physique individuelle ? Parce que cela permet de diviser par 30 le besoin de stockage en capacité. Donc, s’il faut 300 kWh pour une maison et qu’on mutualise cela à tout un parc de maison, il n’y a alors besoin plus que de 10 kWh de stockage. Car la maison qui produira moins utilisera le surplus de la maison qui produit trop.
Concrètement, pour un client avoir une batterie virtuelle signifie qu’il bénéficie des mêmes économies qu’une batterie physique à un coût inférieur. Dès qu’il a trop d’énergie solaire, cela se crédite dans un compte sur sa batterie virtuelle, et lorsqu’il n'a plus d’énergie solaire, la nuit par exemple, il récupère ce crédit d’énergie. Sur sa facture, cela se traduira par une énergie gratuite. Il ne paiera plus l’énergie puisqu’il l’a déjà produite durant la journée.
Après avoir quadruplé son CA en deux ans, Virgile et Ondine prévoient encore de le doubler en 2023, quels sont leurs principaux enjeux dans ce contexte d’accélération ?
Les enjeux de Virgile et Ondine concernent en premier lieu l’évolution de leur organisation. Avec pour objectif d’être capable d’exécuter leur stratégie. En période d’hyper croissance, le risque est d’être constamment en réaction et d’au final la subir et subir son développement, ses équipes. Cette année, ils se sont concentrés à définir les organisations cibles de chaquepôle puis la trajectoire tactique permettant d’évoluer à un rythme de croissance et d’essayer de la maîtriser, ou de l’anticiper.
Entre 2020 et 2022 MyLight a quadruplé, donc d’ici à 2024 ils auront multiplié par huit leur chiffre d’affaires. Par conséquent, l’entreprise change de visage chaque année. Pour accompagner cette accélération, ils ont dû recruter. Cela les a confrontés à la question de l’efficacité de leur intégration et au fait de réussir à maintenir une culture d’entreprise dans un mouvement qui dépersonnifie l’entreprise et le rôle de dirigeant.
Pour que cette croissance soit pérenne, ils doivent parvenir à apporter de la confiance et aligner toutes leurs équipes vis-à-vis de ce projet. Dans ce contexte, ils ont revu leur Comité de direction, organe de gouvernance clé lorsqu’il est efficace. Lorsqu’ils ont chassé les profils, ils se sont intéressés à leur motivation, leur état d’esprit, leur capacité et leur volonté à construire et pas seulement gérer. Cette équipe est aujourd’hui quasiment au complet et ils voient une différence dans l’exécution au quotidien. Cela les a obligés à revoir leur rôle de dirigeant et à le faire évoluer. Ils ont aussi créé un autre organe de gouvernance : la cordée. L’objectif fut de réussir à garder cohésion, alignement et transversalité lors de cette embauche massive.
Dans cette cordée, non limitée en nombre de managers, ils regroupent leurs managers et tops managers historiques et nouveaux arrivants. Ils partagent, co-construisent et travaillent avec eux tous les deux mois de manière à s’assurer que tout le monde soit investi dans le projet.
MyLight est acteur et ambassadeur de la transition énergétique. Cette dernière est-elle un moteur ou un frein pour MyLight et les entreprises en général ?
Nous sommes dans une période de crise énergétique. La transition énergétique est une formidable opportunité. MyLight a pris un engagement au sein de la convention des entrepreneurs pour le climat* : celui de la croissance régénérative. Mais comment arriver à croître tout en régénérant notre planète plutôt qu’en extrayant ses ressources ? La sobriété n’est pas suffisante pour résoudre le problème. Le sujet n’est pas de continuer à vivre pareil avec moins mais bien de transformer nos modèles pour vivre mieux tout en respectant notre planète. C’est cela la croissance régénérative.
Le modèle proposé par MyLight n’est-il pas en réalité une véritable alternative à la sobriété énergétique ?
Ce modèle est plutôt complémentaire. La sobriété énergétique pose la question de baisser notre consommation d’énergie mais pour Ondine et Virgile elle passe à côté du problème majeur : la nature de l’énergie consommée. Car aujourd’hui si nous continuons de consommer de l’énergie carbonée, même en baissant la consommation, cela ne résout pas le problème.L’état demande aux magasins de fermer les portes lorsqu’ils mettent la climatisation, aux terrasses de ne plus chauffer, aux particuliers de baisser leurs chauffages mais quel impact ont réellement ces mesures ? Comment le consommateur en appliquant les mesures peut-il être sûr qu’il agit avec impact et mettre de l’enthousiasme à appliquer ces mesures desobriété ?
MyLight a installé une centrale solaire sur ses bureaux et ils auto-consomment entre 60 et 65 % de leur propre énergie annuellement. Sur le bilan énergétique global, ils compensent à 100 % la consommation totale de leur bâtiment. Virgile donne cet exemple pour prouver que ce n’est pas irréaliste.
La sobriété est un bon début pour la prise de conscience mais il est tout de même nécessaire d’accélérer sur la transformation de la nature de la production d’énergie qu’on consomme. Les entreprises font aujourd’hui face à une augmentation exponentielle du prix de l’énergie, les contrats sont plus chers. Donc réduire sa consommation n’est pas à l’échelle de l’enjeu auquel font face les entreprises.
Ondine souligne l’intérêt de cette notion de coût, de ce signal qui va automatiquement impliquer un changement d’usage. Le signal prix est ce qui va motiver le consommateur. Le défi de MyLight est d’accompagner ce changement de modèle et de rendre la transition énergétique désirable pour le consommateur. Il s’agit de reprendre la maîtrise de ses dépenses en produisant pour soi mais aussi pour les autres, cela signifie aussi reprendre sa liberté.
*Initiative lancée par Éric Duverger qui a regroupé 150 dirigeants dont l’objectif a été de transformer lebusiness model de leurs entreprises en onze mois pour l’aligner sur l’accord de Paris pour le climat.
Frédéric LASSALE
« No matter how good you are at your job, you’d be better with a coach. Everyone needs one ! » Eric Schmidt