Financer et accompagner la transition environnementale de l’entreprise

Fabienne Saugier, dirigeante et Partner coach chez VISCONTI, reçoit aujourd’hui François-Xavier Oliveau, Operating Partner du fonds d’investissement Tomorrow au sein d’Initiative & Finance.

 

Le parcours de François-Xavier Oliveau

 

Ingénieur centralien de formation, diplômé de Sciences Po Paris, MBA Harvard Business School, François-Xavier a d’abord fait du conseil et de l’accompagnement d’entreprises, notamment au BCG. Il a également dirigé des entreprises ou des branches d’activité, dans l’industrie, la santé, l’éclairage LED et l’internet des objets. Enfin, depuis 2015, il opère dans le milieu de l’investissement privé (private equity) tout d’abord au sein du fonds d’investissement PAI et désormais chez Initiative & Finance.

 

Au fil de son parcours, François-Xavier a acquis une forte expérience de la transition environnementale dans de multiples secteurs impactés par celle-ci (automatisme des bâtiments, éclairage LED, conversion d’énergie, piles à combustible, gaz industriels, matières organiques , recyclage, …). Il met aujourd’hui cette expérience au service des entreprises dans lesquelles le fonds investit. 

François-Xavier est auteur d’essais. Il a publié Micro capitalisme, vers un nouveau pacte social (PUF, 2017) et La crise de l’abondance (Les Editions de l’Observatoire, 2021).

 

Qu’est-ce qu’un Operating Partner dans un fonds d’investissement ? En quoi consiste la mission de François-Xavier ?

 

C’est une mission qui s’est fortement développée dans les fonds d’investissement avec parfois des approches différentes d’un fonds à l’autre. La vision de François-Xavier sur ce rôle est qu’il est un partenaire du dirigeant. Ayant lui-même connu la solitude du dirigeant, la difficulté à prendre du recul, à définir ses priorités, il a trouvé, à cette époque, utile de s’appuyer sur des personnes lui permettant d’échanger des idées dans un contexte sécurisé, de faire des hypothèses, de réfléchir communément à la stratégie, la mise en œuvre, la mesure de la performance, le management… C’est aujourd’hui ce rôle de « sparring partner », non ingérant, qu’il tient auprès des dirigeants. Être dans l’écoute, l’idéation, la fourniture de propositions… 

 

Dans quel profil d’entreprises investit Initiative & Finance ?

 

Initiative & Finance est un acteur historique du financement des PME. Il a accompagné depuis 1984 plus de 300 PME, dont certaines sont devenues des ETI, voire des grandes entreprises comme Marionnaud ou Cerba. Au sein d’Initiative & Finance a été mis en place en 2020 un fonds appelé Tomorrow qui investit des tickets de 20 à 80 M€, dans des Entreprises de Taille Intermédiaire, dont l’EBE est généralement entre 8 et 25 M€.

 

Le fonds a un angle particulier : accompagner la transition environnementale des entreprises. 

 

Au départ, les entreprises ne font généralement pas appel au fonds pour ce sujet. Elles viennent avec des projets plus classiques de transmission, d’internationalisation, de recherche de financement et de soutien à la croissance externe. Cependant, Initiative & Finance souhaite systématiquement y inclure cette notion de transition environnementale. Cette dimension est véritablement conçue comme un levier de création de valeur de l’entreprise. 

 

François-Xavier a la conviction que dans 5 ou 10 ans, les entreprises qui seront les plus performantes et les mieux valorisées seront celles qui auront su comprendre ce besoin de muter leur modèle pour s’adapter aux contraintes environnementales et celles des parties prenantes (clients, salariés, financeurs, …). Et qui auront fait de leur transition environnementale un facteur différentiant, un avantage concurrentiel, et ainsi un levier de création de valeur.

 

Une fois le fonds entré au capital de la société ou du groupe, comment François-Xavier travaille-t-il l’aspect environnemental avec le dirigeant ?

 

François-Xavier s’adapte : au secteur d’activité, au dirigeant, à son envie et ses besoins. L’objectif est de dessiner pour chaque entreprise la feuille de route adéquate. 

 

Cela commence systématiquement par une mesure des impacts, et une empreinte carbone 3 Scopes. Le but est de comprendre en quoi l’activité de l’entreprise a un impact sur l’environnement et vice versa. Ensuite, le dirigeant et François-Xavier travaillent sur les leviers d’amélioration de l’impact qui créent de la valeur.

 

En quoi la transition environnementale a-t-elle un impact sur la demande du client ? Que ce soit en B2B ou en B2C, les clients sont de plus en plus exigeants sur les produits et services. En conséquence, comment servir leurs besoins ? Comment va-t-on travailler sur la dimension achats, la conception des produits, la dimension transport et logistique ? Et ainsi améliorer l’empreinte environnementale de l’entreprise tout en répondant à une demande client.

 

François-Xavier se met à la disposition du dirigeant, qui malgré sa réelle volonté « d’y aller » est parfois un peu démuni pour agir face à l’ampleur de l’enjeu. François-Xavier a une approche ultra-pragmatique, afin d’aider le dirigeant à mettre en place des indicateurs, un plan d’action. Et pour cela identifier les leviers notamment sur l’éco-conception, la décarbonation, la réduction de l’empreinte sur la biodiversité – mais toujours en lien avec le business. 

 

La transition environnementale pour l’entreprise : contrainte et/ou opportunité ?

 

Pour François-Xavier, la transition environnementale peut démarrer par une contrainte. La réglementation CSRD qui va s’appliquer à partir de 2025, va obliger les entreprises à prendre plus de mesures et faire plus de déclarations, notamment sur l’empreinte carbone et sur l’analyse des risques que subit l’entreprise. 

 

Cette règlementation va concerner jusqu’à des entreprises  d’une taille assez modeste. Celles qui remplissent au moins 2 des 3 critères suivants : CA de plus de 40 M€, bilan de plus de 20 M€ ou effectif de plus de 250 salariés.

 

Cette contrainte, le fonds Tomorrow souhaite l’appréhender comme une opportunité :

• opportunité de développement du chiffre d’affaires, en se créant un avantage concurrentiel vis-à-vis du client, que ce soit en B2C (clients de plus en plus engagés sur l’environnement) ou en B2B (grands donneurs d’ordre qui ont besoin désormais de décarboner leurs Scope 3 amont / fournisseurs)
• opportunité de réduction des coûts, notamment de production. Par exemple, en réduisant le poids ou la taille d’un produit, on réduit la quantité de matière consommée. Concevoir une chaine logistique moins consommatrice d’énergie etc

 

En travaillant ensemble, le dirigeant et François-Xavier trouvent presque toujours des leviers qui améliorent la valeur stratégique de l’entreprise.

 

Il y a donc plus une logique d’opportunités que de contraintes.

 

François-Xavier a mentionné la décarbonation, y a-t-il d’autres sujets forts pour l’entreprise, relatifs à l’environnement ?

 

Si la décarbonation reste un sujet important, le fonds travaille aussi avec le dirigeant sur l’utilisation des ressources, ainsi que sur l’impact de l’activité de l’entreprise sur l’air ou la biodiversité.

 

Cela l’amène par exemple à considérer l’économie circulaire, qui peut correspondre à une énorme attente clients. Passer d’un modèle de vente à un modèle de reprise / reconditionnement / revente, assorti de services de garantie pour le client.

 

Sur la biodiversité, avec une entreprise de produits de puériculture, un travail a été mené sur la filière coton par exemple.

 

Le marché va très vite, la demande également. Quand l’entreprise parvient à proposer une réelle plus-value environnementale, la demande client est là et il y a un besoin de développer une offre rapidement pour y répondre.

 

Comment ne pas se retrouver submergé face aux multiples facettes de la transition environnementale ?

 

Déterminer les priorités fait partie du rôle de François-Xavier auprès des dirigeants. Il faut se concentrer sur ce qui est vraiment important. L’ensemble des injonctions contradictoires pouvant advenir au début d’un projet est souvent perturbant. Le fait d’avoir un partenaire, qui va aider à poser les bonnes questions, va ainsi permettre au dirigeant d’y voir plus clair et d’identifier  plus facilement les priorités.

 

Comment l’approche qu’Initiative & Finance déploie et cette transition qu’ils accompagnent sont-elles perçues au sein de l’entreprise ?

 

Il y a une forte demande de la part des collaborateurs d’un engagement réel de l’entreprise. De plus, si l’actionnaire et le management poussent dans cette direction, le retour est extrêmement positif. 

La transition environnementale est un levier de recrutement, d’engagement et de fidélisation très fort, pour toutes les populations de l’entreprise. Il y a une envie de donner du sens, d’inscrire son entreprise dans une pérennité, et les collaborateurs sont désireux d’être engagés dans cette dimension-là. 

 

En résumé, quels sont les bénéfices de la démarche de François-Xavier et du fonds ?

 

Trois points : 

– amélioration de l’impact environnemental de l’entreprise : impact traçable et mesurable, avec un système exigeant d’indicateurs. Impact à plusieurs niveaux (trajectoire carbone, trajectoire biodiversité, …)

– la création de valeur : en tant qu’investisseur financier, Initiative et Finance doit des rendements à ses propres financeurs et va naturellement rechercher l’augmentation de la valeur à terme de l’entreprise. Le fonds a la conviction que la transition environnementale est un levier pour le faire. 

– l’engagement des collaborateurs : la transition environnementale est un véritable levier d’engagement des collaborateurs. Le fonds y inclut quand c’est possible une dimension de partage de la valeur lors de son opération de sortie. 

 

Les collaborateurs de l’entreprise peuvent donc aussi bénéficier de l’entrée d’un fonds au capital ?

 

Les salariés sont généralement favorables à l’entrée d’un fonds au capital. Un sondage de France Invest montrait il y a quelques années qu’à plus de 90%, les Instances Représentatives du Personnel donnaient un avis positif à ce type d’opération. 

 

Le fonds Tomorrow essaye d’appliquer le plus souvent possible les dispositions de la loi Pacte, qui permet aujourd’hui de partager avec les salariés une partie de la plus-value générée à la fin de l’opération (de sortie du fonds) lorsque celle-ci dépasse certains seuils. Ce qui permet d’associer les collaborateurs au succès de l’opération.

 

Un dernier mot pour clore ce podcast ?

 

Indépendamment de l’actionnaire et du fonds, le message le plus important est que la transition environnementale, comme dit précédemment, est créatrice de valeur et est une opportunité pour l’entreprise. 

 

François-Xavier encourage tous les dirigeants à se poser la question de ce que signifie la transition environnementale pour leur activité. Comment ce mouvement absolument majeur et durable de la transition environnementale peut être mis à profit pour créer un avantage concurrentiel ? Comment adapter son activité, faire évoluer son business model pour en faire un levier de création de valeur ? 

 

Cette réflexion permet de repenser son activité et d’aborder cette transition environnementale comme un relais de croissance et un nouveau projet collectif qui embarque toutes les parties prenantes, à commencer par les collaborateurs.

 

La transition environnementale génère une transformation profonde des entreprises. Le premier levier de cette transformation est bien le dirigeant lui-même, qui doit se l’approprier avec conviction, la restituer dans une vision et embarquer ses équipes dans un plan d’action innovant. 

Le dirigeant va donc jouer un rôle central pour impulser la dynamique de cette transformation et l’alimenter de façon durable …

 

Ce point est très important. C’est effectivement avant tout le dirigeant qui va piloter cette transformation. « Le principal Responsable ESG de l’entreprise, c’est le dirigeant ». 

 

Le fonds Tomorrow ne s’engage ainsi qu’avec des dirigeants qui partagent cette conviction, ou qui « ont vraiment envie d’y aller ».