Changer les paradigmes dans le monde de la mode et du textile

Épisode 10

 19:44

Changer les paradigmes dans le monde de la mode et du textile

Dans ce nouvel épisode des VISCONTI TALKS, Estelle SOMMER partner VISCONTI, rencontre Sophie PIGNERES, fondatrice et CEO de WETURN, un nouvel acteur de l'économie circulaire.

WETURN est une société qui développe des solutions au gaspillage des matières premières textiles. C’est le premier service qui apporte aux marques, une solution de recyclage des invendus.

Après une école de commerce , Sophie s’est orientée et formée pendant 5 ans sur les solutions engagées, l’économie collaborative et a accompagné des projets sur l’écologie et la mode responsable.

Pourquoi envoyer nos déchets textiles à l’autre bout du monde pour être recyclés? Pourquoi n’existe-t-il pas une filière de recyclage en Europe pour cette industrie? Avec la loi AGEC, loi anti-gaspillage pour une économie circulaire qui interdit notamment la destruction des invendus, la création de WETURN était une évidence pour Sophie PIGNERES.

Estelle Sommer, Partner VISCONTI, reçoit Sophie Pignères, fondatrice et CEO de Weturn.

Pour cette nouvelle saison des Visconti Talks / Trajectoire d’entrepreneurs, nous allons parcourir la trajectoire de Sophie, que nous intitulerons « changer les paradigmes dans le monde de la mode et du textile ».

Lancée il y a deux ans, la société Weturn a pour but d’apporter une solution au gaspillage des matières premières textiles. Elle se place comme un nouvel acteur de l’économie circulaire : c’est le premier service à proposer aux marques un recyclage de leurs invendus.

Issue d’une école de commerce et de finance, Sophie Pignières se tourne rapidement vers des start-ups engagées telles que KissKissBankBank. Durant cinq ans, elle se forme à l’économie collaborative et à l’accompagnement de porteurs de projet dans les secteurs de l’économie sociale et solidaire, la tech, l’écologie.

Comment est né Weturn ?

L’idée de Weturn est née il y a trois ans. À ce moment-là, il était beaucoup question de gaspillage textile. L’industrie textile était annoncée comme l’une des plus polluantes avec des modes de production et de consommation sans limites. La mode est, encore aujourd’hui, l’une des industries les plus polluantes, mais il est possible de l’aider à être plus vertueuse.

Des affinités particulières avec le monde du textile ?

Sophie ne possédait aucune connaissance technique du textile mais elle s’interrogeait sur l’absence de filières de recyclage de vêtements. Elle a toujours été sensible aux problèmes environnementaux et ce sujet lui est apparu comme une aberration.

Parallèlement, elle suivait l’évolution de la mode et s’est rapidement sentie dépassée par un monde qu’elle jugeait trop superficiel. Elle a alors fait le pari de se lancer dans cette industrie qu’elle ignorait totalement.

Durant le premier confinement, Sophie décortique le projet de loi AGEC (Anti Gaspillage pour une Économie Circulaire) dont l’un des articles annonçait l’interdiction de détruire les invendus. Aucune filière n’existait à cette époque pour traiter ces produits et les valoriser. Ce qui a orienté l’activité de Weturn et son positionnement : collecter et recycler les invendus textiles en nouvelles matières premières afin de les réintroduire dans des collections à moindre impact.

Quelles étaient les ambitions de Weturn à sa création ?

La mission de Weturn est de généraliser l’usage des matières recyclées en sauvant de la destruction des milliers de tonnes de textiles inutilisés. Et c’est toujours le cas. La vision défendue aujourd’hui par l’entreprise dans l’industrie est celle du : un tiers, un tiers, un tiers.
Dans un magasin, cela signifie répartir : un tiers de produits neufs, un tiers de produits de seconde main, un tiers de produits recyclés.

La raison d’être de Weturn ?

 

Protéger les ressources et les vivants par la transformation des modèles de production. Ce modèle, concentré sur le textile, est déclinable à d’autres industries et typologies de produits.
Également, Weturn est une filière logistique et industrielle qui intègre tous les métiers de l’économie circulaire.
L’ambition est de devenir une belle PME française, reconnue pour redonner à la filière textile française ses lettres de noblesse, tout en l’adaptant aux nouveaux enjeux de la transition écologique.

Quelle a été la stratégie et comment a-t-elle évoluée au fil du temps ?

Sophie a mené un an de recherches avant de lancer Weturn. Avec cela, elle remarque que :
– Côté citoyen : recyclage = tri, poubelles, consignes ;
– Coté industrie : recyclage = plastique ;
– Côté textile : le recyclage reste une problématique de niche.

Face à ces constatations, il fallait évangéliser le recyclage sous l’angle de la matière première, sa durée de vie, sa provenance et l’impact à en tirer.

Mais comment rendre le recyclage désirable ?
Deuxième sujet : les maisons et acteurs textiles influents (LVMH, KERING, Hermès, CHANEL),non convertis au recyclage à l’époque, ont les stocks de matières les plus nobles, les plus qualitatives et donc les plus faciles à recycler. Mais ils ne peuvent solder aucun de leurs invendus et doivent donc les valoriser d’une autre manière.

Conséquemment, le choix de Weturn a été de construire une filière pour ces acteurs. En imaginant qu’ils pourraient faciliter le travail d’évangélisation avant de descendre étape par étape à des acteurs plus mainstream et de la grande distribution.

Les plus grands défis de Weturn et de Sophie Pignères

Le plus difficile a été de se faire une place dans ce secteur méconnu pour Sophie. La partie compliquée dans le lancement d’une entreprise est d’obtenir des rendez-vous avec les interlocuteurs et décisionnaires. Cela est d’autant plus vrai dans la mode, milieu très fermé.
Également, il a fallu s’entourer de personnes compétentes et recruter à chaque étape de leur activité.

Comment Weturn est-elle parvenue à imposer sa vision ?

  • L’annonce de leur collaboration avec LVMH a été un véritable tremplin. Ils ont gagné en légitimité depuis.
  • Ils ont réussi à créer des process logistiques et opérationnels que leurs clients ont intégré pour reconduire les projets.
  • Leurs clients actuels comprennent qu’ils investissent dans une filière utile. D’autres en revanche n’ont pas encore assimilé que la transition écologique avait un coût.

À titre personnel, Sophie Pignières a relevé le défi de créer une entreprise à forte ambition à l’âge de 28 ans. Pour y parvenir, elle a décidé de ne jamais se laisser impressionner et de ne jamais céder face à une méthode l’éloignant de son engagement.

Défendre sa vision : un combat ?

Défendre sa vision est un combat que Weturn essaye de mener avec patience, résilience et calme. Ils doivent toujours veiller à bien expliquer à leurs clients les raisons du changement de méthode, pourquoi leur accompagnement et les résultats escomptés.
Ils ne sont pas prêts à tout accepter si cela ne rentre pas dans leur cadre, dans leur vision et
dans leur mission.

En termes de management, quels enseignements tirer en tant que jeune entrepreneure ?

Recruter et manager est délicat. Il y a eu des mouvements chez Weturn durant ces deux dernières années. Rien n’est figé, tout est à créer et les process sont, au début, inexistants. Il y a donc une nécessité de personnes avec des compétences spécifiques.

L’enjeu est d’assurer que chacun soit aligné avec l’ambition de l’entreprise, ses objectifs et qu’il n’y ait pas de décalage croissant dans les équipes.
Sophie et ses équipes essayent de communiquer de la manière la plus transparente possible,
en interne comme en externe. Ils ont aujourd’hui une équipe de huit personnes soudées et
mobilisées.

Après deux ans d’existence, quelle est l’ambition de Weturn ?

Sur l’activité de collecte et de recyclage des invendus pour recréer des collections, des travaux sont en cours, notamment avec LVMH et Nona Source* pour intégrer leur solution à l’échelle du groupe.

Weturn a également d’autres projets avec d’autres marques de l’industrie. En parallèle du pôle collecte et recyclage, le pôle écoconception est très présent. Cet automne, Weturn lance une marque ingrédient, logo qui se retrouvera chez leurs clients utilisant leurs marques recyclées.

Les trois conseils de Sophie Pignières

  • Montrer au client qu’on lui apporte une solution ;
  • Ne jamais se laisser impressionner, se positionner d’égal à égal ;
  • Ne jamais cesser d’y croire : en tant qu’entrepreneur, la résilience est clé.

*Développée par LVMH en interne, Nona Source est la première plateforme de revente de matières issues de ses Maisons de Mode & Maroquinerie. Elle propose à toutes les maisons de revendre à des créateurs leurs tissus dormants non protégés par la propriété intellectuelle (donc non imprimés, non logotés).