Le dirigeant face aux défis RSE, effet de mode, contrainte ou réel impact ?

Épisode 19

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Le dirigeant face aux défis RSE, effet de mode, contrainte ou réel impact ?

Sur ce nouveau numéro des VISCONTI TALKS, Benoît QUIGNARD, dirigeant et coach chez VISCONTI, reçoit Valérie DAVID Directrice du développement durable et de l’innovation transverse du Groupe EIFFAGE.

Réaffirmer son rôle de dirigeant sur son environnement et redonner du sens à son cœur de métier. Quels sont les enjeux actuels et à venir des entreprises, et en quoi cela concerne les dirigeants aujourd’hui ? Comment contribuer à un développement économique durable ?

Valérie DAVID nous résume les enjeux du développement durable à moyen et long terme et nous livre des retours d’expérience sur les bonnes et les mauvaises pratiques et nous rappelle la responsabilité sociétale de l’entreprise.

Benoit Quignard, dirigeant et Partner coach Visconti, accueille aujourd’hui Valérie David, Directrice du développement durable et de l’innovation transverse du Groupe Eiffage. 

 

Quels sont les grands objectifs du développement durable pour répondre aux dix-sept objectifs définis par les Nations Unies ?

 

Pour Valérie, le développement durable est ce qu’il y a de plus englobant en matière de démarche sociale, sociétale et environnementale. Cela ne concerne pas seulement l’entreprise mais bien toute la société. Il est très important d’assimiler que le développement durable doit s’appliquer à tout un chacun. À l’intérieur de cet ensemble, il y a la responsabilité sociétale des entreprises qui, par définition, s’applique aux acteurs privés et à la démarche ECG qui est une « boussole » d’indicateurs et de plans d’actions pour amener l’entreprise dans une démarche de développement durable. 

 

Plutôt que de mécanismes, Valérie parle d’enjeux de développement durable. Tout d’abord des enjeux à moyen et long-terme : le dépassement des limites planétaires. Ce sont des limites concernant le changement climatique et l’épuisement des ressources naturelles non renouvelables à l’échelle du temps humain. Pour vivre et pour survivre sur Terre ces limites, au nombre de neuf, ne doivent pas être dépassées. Et puis, il y a les enjeux à court-terme, notamment les inégalités sociales extrêmes dans le monde dues aux conséquences du dérèglement climatique. Ces interactions dynamiques entre les différentes causes et conséquences du dérèglement climatique ont des sources multiples et non localisées. 

 

S’il y avait trois faits importants à retenir, quels seraient-ils ?

 

Du point de vue de Valérie, actuellement les perturbations des services écosystémiques, c’est-à-dire tous les services que la nature rend à l’homme pour lui permettre de vivre, sont l’élément le plus grave. Sans eux, il n’y a pas de vie possible. Le service écosystémique de captation de carbone est aujourd’hui très perturbé car les puits naturels de captation sont dégradés, voir détruits. En conséquence, le contenu de carbone dans l’atmosphère augmente. 

 

Quelques éléments chiffrés ?

 

La concentration de carbone dans l’atmosphère n’a jamais été aussi élevée qu’aujourd’hui. Nous sommes arrivés à 412 ppm en 2020. Cette augmentation très rapide n’a jamais été aussi élevée. 85 % des zones humides dans le monde sont soit détruites, soit fortement dégradées. Ces zones sont les prés salés, les herbiers… Elles jouent un rôle très important en termes de captation de l’eau, mais aussi en termes de captation de carbone. L’un des autres points importants est l’effondrement des insectes colonisateurs (autour de 70 %). Or, ce sont eux qui assurent le transport du pollen. Cela signifie que les graines qui résultent de la fécondation et assurent l’alimentation des humains et animaux ont plus de difficultés à être cultivées. Ces insectes sont aussi victimes du changement climatique, de la pollution et de la réduction de leur habitat. 

 

Quelles sont les obligations actuelles et à venir des entreprises, qui concernent les dirigeants aujourd’hui ?

 

Les obligations concernent notamment les dirigeants européens. Car l’Union Européenne se distingue aujourd’hui comme étant le leader de la lutte contre le changement climatique. En juin 2020, le parlement européen a voté le règlement de taxonomie européen. Il s’agit d’une classification : l’objectif de l’Union Européenne est de classer la part du chiffre d’affaires des entreprises mais également leurs dépenses d’investissement et opérationnelles en fonction de leur contribution à un développement économique durable, selon une définition commune au sein des vingt-sept états membres. C’est une première et c’est ambitieux. 

 

Cela repose sur deux critères climatiques (réduction des émissions de gaz à effets de serre et adaptation aux conséquences du dérèglement climatique) et quatre critères environnementaux (préservation de l’eau douce et des océans, assainissement déchets, lutte contre les pollutions, économie circulaire et préservation de la biodiversité). Sept secteurs sont concernés pour les chiffres d’affaires. C’est une révolution importante en cours. 

 

Des directives en 2023 et 2024 vont venir compléter la taxonomie. C’est un règlement donc c’est le plus haut niveau de force juridique puisqu’il s’applique directement en droit interne. Les deux futures directives vont devoir être transposées en droit interne.

Dans ces directives se trouvent : la CSRD (Corporate Sustainability Reporting Directive) : directive qui va exiger un niveau inédit de rigueur et de comparabilité entre les entreprises dans le cadre de leur performance extra-financière. Toutes les entreprises se préparent à cette CSRD. Ses critères vont permettre de s’assurer d’une bonne santé extra-financière en sus d’une bonne santé financière. Il y a donc une véritable carte d’identité qui va permettre aux investisseurs de savoir s’ils souhaitent travailler avec telle ou telle entreprise. 

 

Il y a un second texte, la CS3D (Corporate Sutainability Due Diligence Directive), qui devrait être validé au parlement européen en mai 2023. Cette directive porte sur le devoir de vigilance, elle va imposer des obligations de résultats dans la chasse aux risques avec des contraintes judiciaires majeures en cas de défaillance. Ce texte est encore en cours. 

Entre la CSRD et la CS3D, la taxonomie a une complétude très intéressante pour que ce développement économique durable soit leader dans le monde et devienne un Golden Standard dans ce domaine. 

 

Comment le rôle du dirigeant devient-il de plus en plus important dans la réussite de ce défi environnemental ?

 

L’innovation est importante, mais tout dépend de quelle innovation il est question. On a trop longtemps cru que l’innovation technologique allait nous sortir de tous les mauvais pas. Mais l’innovation n’est plus l’apanage du seul laboratoire spécialisé. Cela se cache aussi dans l’intelligence collective et l’inclusion de tous les publics. Il est important de libérer la créativité de tous ceux souhaitant innover. Avec le dérèglement climatique, la variable est importante. Coopérer plutôt que d’être dans la concurrence est aujourd’hui important. Il n’est pas difficile de trouver des dirigeants gestionnaires, en revanche il est plus rare de rencontrer des dirigeants visionnaires. Valérie pense que nous avons surtout besoin de dirigeants leaders, ayant une vraie vision pour leur métier, s’inscrivant dans une transition écologique sincère, authentique, capable de fédérer, d’expliquer le projet de l’entreprise, et de galvaniser les collaborateurs par un enthousiasme d’être partie prenante. 

 

Quels retours d’expériences sur les bonnes et les mauvaises pratiques au sein d’une entreprise ?

 

L’atomisation des responsabilités dans l’entreprise est dramatique. Les silos sont souvent mentionnés. Pour avancer il faut faire confiance. Cette confiance permet d’identifier plus rapidement les jeunes talents et donc de les fidéliser. C’est difficile dans certains secteurs sous tension de recrutement, mais cela est possible quand on permet à ses talents de s’exprimer. Encore faut-il que l’organisation de l’entreprise ne soit pas trop verticale, car la confiance va de pair avec la transversalité. Quand on fait confiance, il faut donc accepter d’abattre les silos, même s’ils sont pratiques. 

 

Le courage managérial est une denrée rare mais très appréciée car le corps social n’est pas dupe et a besoin de leadership. Il a besoin de confiance, de vérité et de bienveillance. Et justement, le courage c’est de la bienveillance. C’est parce qu’on respecte le collaborateur qu’on a le courage de décider tout en lui expliquant les raisons. Bienveillance, courage managérial et confiance vont ensemble.