Concilier développement durable et performance

Épisode 9

 18:05

Concilier développement durable et performance

Fabienne Saugier, Coach et Partner chez VISCONTI, accueille Juliette Sicot-Crevet, Directrice du Développement Durable du groupe SEB depuis avril 2022.

À l’heure où la transition sociétale et environnementale s’accélère, nous appréhendons, à l’écoute de ce podcast, l’ampleur de la transformation qui impacte déjà ou qui attend les entreprises.

En quoi le développement durable est-il un chantier de transformation spécifique ? Quel est le rôle d’un Directeur du Développement Durable ? En quoi une culture d’intrapreneuriat sert la mutation d’un grand Groupe ? Quels défis personnels Juliette doit-elle relever ?

Avec son prisme si singulier, Juliette, passée par des Directions Marketing Grande conso et B2B, la Direction Générale de filiale, et depuis 10 ans le Développement Durable, se livre avec sincérité et conviction dans ce dernier podcast des VISCONTI Talks.

Fabienne Saugier, Partner VISCONTI, échange avec Juliette Sicot-Crevet, Directrice du Développement Durable du groupe SEB. 

Le parcours de Juliette Sicot-Crevet

Juliette Sicot-Crevet a effectué sa première partie de carrière sur des fonctions Marketing en France et à l’international dans des Groupes référents de la Grande conso tels que Procter & Gamble et Orangina Schweppes, dans lequel son dernier poste sera celui de DG France par interim pour mener la cession de la filiale française à deux fonds de Private Equity. 

Ensuite elle passe au B2B en rejoignant le groupe IPSOS, acteur mondial des études consommateurs, d’opinions et data. Elle se penche tout d’abord sur les méthodologies d’études concernant le développement et la validation d’innovations-produits. Puis, à la demande du Groupe, elle crée la filiale suisse, dont elle devient la Directrice Générale.

En 2011, elle rejoint l’univers des parfums et arômes en intégrant la division Parfumerie du Groupe Firmenich, dont les clients sont les grandes marques de parfumerie, cosmétique et grande conso. Après 4 ans de Direction Global Marketing, Prospective & Consumer Intelligence, elle crée et développe, à nouveau à la demande du Groupe, une forme de “start up” au sein du celui-ci, pour définir et mettre en œuvre, sur toute la chaîne de valeur, une parfumerie responsable et durable. Celle-ci devient rapidement partie intégrante de la conduite opérationnelle des affaires et un atout concurrentiel reconnu par les clients.  

En avril 2022, Juliette Sicot-Crevet prend la Direction du Développement Durable du groupe SEB, référence du petit équipement domestique et présent dans 150 pays.

Les fils rouges de sa carrière 

Juliette Sicot-Crevet aime les marques et les produits : les voir prospérer, être reconnus et aimés. Il n’est donc pas surprenant qu’elle apprécie tant activer les leviers-clés que sont l’innovation et la satisfaction du consommateur. 

À titre plus personnel, elle est animée par la volonté d’avoir un impact positif dans son travail et son entourage.

L’intrapreneuriat, les projets de transformation et son engagement pour le développement durable depuis près de 10 ans, sont les fils conducteurs de sa carrière.

Les clés d’un projet de transformation

La transformation démarre par une Ambition. Cela sous-entend vouloir apporter un changement, voire une rupture de façon pro-active, même s’il existe des transformations subies. Il est mieux de pouvoir avoir une vision et d’anticiper le changement. La transformation s’inscrit à la fois dans une démarche d’innovation et de changement à de multiples degrés y compris la réinvention des métiers, des façons d’opérer dans l’entreprise, mais aussi en externe avec un vaste écosystème. 

Sur le plan opérationnel, une transformation ne peut se mettre en action qu’en mode « projet ». 

Cependant, l’ambition et la bonne exécution ne suffisent pas. Il n’y a pas de stratégie de changement efficace sans une connexion forte à la raison d’être, aux valeurs et à la culture de l’entreprise. 

Le développement durable, chantier de transformation spécifique

Selon Juliette Sicot-Crevet, le développement durable, à l’instar du digital depuis vingt ans, est un énorme chantier de transformation en termes de complexité, de transversalité, de remise en cause des métiers, process, mesures …  Pour les entreprises, le développement durable est un challenge qui vient s’ajouter à celui du digital, mais dont il bénéficie ; la data étant un enjeu central dans la mise en œuvre d’une politique de développement durable. 

Néanmoins, les enjeux du développement durable dépassent le périmètre du business. Cela touche à la planète, à ses ressources naturelles et aux communautés qui y vivent. Il fait appel à notre nécessaire responsabilité de réparer ce que nous avons fait, pour le futur de nos enfants et des générations à venir. Il est donc intrinsèquement connecté aux valeurs, à la raison d’être de l’entreprise, qui doit s’interroger sur l’impact qu’elle a et celui qu’elle souhaite avoir sur son écosystème. 

À quel stade de prise de conscience est-on ?

Juliette Sicot-Crevet constate actuellement beaucoup de contradictions dans la prise en compte du développement durable. Il y a une forme une forme d’urgence et de stress dans le contexte actuel, mais dans le même temps encore beaucoup de déni ou simplement d’ignorance, tant du côté des consommateurs que des entreprises. 

Du côté de l’entreprise, c’est urgent et en même temps, la vision et les actions ne peuvent s’inscrire que dans une démarche long terme. Le sujet fait débat dans les CoDir. 

2050, c’est loin … Comment concrétiser et à quel rythme ?

Il s’agit de pouvoir rationaliser et cadrer un sujet éminemment émotionnel, vaste, relativement abstrait et mal connu.

Pourquoi Juliette Sicot-Crevet a-t-elle rejoint le groupe SEB ?

Le groupe SEB, fondé il y a 165 ans et dirigé par la sixième génération, est animé par des valeurs profondes léguées par ses fondateurs. Valeurs de responsabilité, de solidarité, d’engagement et d’innovation. 

Cela renforce une raison d’être qui est celle de faciliter et embellir la vie quotidienne des consommateurs. Il se vend 13 produits du groupe SEB par seconde. Avec ses 39 marques, le groupe est dans le quotidien et le cœur de presque tous les foyers.

Ce succès et cette raison d’être, et la responsabilité de leader qui en découle sont très motivants pour Juliette Sicot-Crevet.

La réputation en développement durable du Groupe est solide et ses actions nombreuses. 

Juliette Sicot-Crevet est fière de pouvoir contribuer à la poursuite de cette transformation « durable », à un moment-charnière dans l’histoire du Groupe, où les pouvoirs sont dissociés et où le Développement Durable va reporter directement à son Président Thierry de La Tour d’Artaise.

Dans une grande organisation comment positionner le rôle d’un Directeur du Développement durable ?

Le Directeur du Développement Durable est un « chercheur de sens », pour l’ensemble des acteurs de l’écosystème de l’entreprise : équipes, consommateurs, actionnaires, mais aussi désormais la planète.

Il doit être animé par l’obsession d’avoir un impact positif. On parle de plus en plus de Chief Impact Officer plutôt que de Chief Sustainability Officer.

Juliette Sicot-Crevet pense qu’il n’y a pas de standard en termes d’organisation du Développement Durable dans les entreprises, ou dans les « job description» du poste.  Cela dépend vraiment du profil de l’entreprise, de son ADN et de sa maturité.

Le sujet a été initié dans les RH, directement concernées par la partie sociale et sociétale de celui-ci, mais les sociétés les plus engagées et avancées ont désormais tendance à rattacher cette fonction à la Direction Générale.

Les défis personnels que Juliette Sicot-Crevet doit relever pour mener à bien sa mission

Comme pour d’autres types de missions, celle de Juliette de « faire, faire faire et faire savoir, et aussi peut-être faire sans très bien savoir parfois ». Toutes ces dimensions sont exacerbées en RSE, compte tenu de la complexité des problématiques, de leur nombre et de celui des parties prenantes. Néanmoins, il faut « toujours définir et maintenir une ambition, un cap chiffré, et avancer ». 

Le défi de Juliette est de bien se connaître elle-même afin d’accompagner au mieux les autres lorsqu’ils sortent de leur zone de confort. 

Et surtout cultiver une mentalité d’intrapreneur.

La mentalité d’intrapreneur

Juliette Sicot-Crevet la définit comme « développer sa capacité à être en mode Indiana Jones » et ce de façon systématique et permanente. C’est accepter et faire accepter l’incertain dans une entreprise de grande taille, avec toute sa complexité, le poids de son histoire, sa culture.

Le développement durable étant un sujet par nature collectif, c’est faire tomber les silos, convaincre, être transparent et cohérent. Ce qui est indispensable pour embarquer les équipes. Communiquer et « raconter l’histoire en train de se faire, complètement imbriquée dans la raison d’être de l’entreprise, et avec des preuves et justifications robustes ».

Il faut aussi intégrer l’urgence de l’action tout en étant capable de traiter une masse d’informations rationnelles et séquentielles. Pour agir non pas « vite » mais « bien » dans un cadre long.

Comment Juliette Sicot-Crevet pense-t-elle aborder cette nouvelle aventure ?

Travailler en équipe et en réseau est pour Juliette une priorité. Également : être focus au niveau stratégique et opérationnel, célébrer les victoires, apprendre des échecs, avoir de l’énergie, de la détermination, de la résilience et de la sincérité. 

Les points de vigilance de Juliette Sicot-Crevet

Dans les Grandes Ecoles et tout au long de sa carrière, elle a été formatée, comme beaucoup, à la compétition, la rapidité, les « big wins ». Il faut désormais aussi savoir adopter et accepter une politique de « petits pas ». Se défaire du perfectionnisme. Il s’agit aussi, dans les relations interpersonnelles, de privilégier la collaboration, de savoir trouver des compromis, plus que d’être compétiteur dans l’âme.

Le style de leadership de Juliette Sicot-Crevet

Juliette considère que le Développement Durable requiert de faire appel à toutes les facettes du leadership, et ce de façon bien dosée. Il faut aimer le changement, ne pas craindre de faire des erreurs, être très exigeant mais demeurer bienveillant. Être transparent et cohérent. Et être en écoute active.  

Juliette ne conçoit pas le leadership sans s’engager totalement, personnellement et sincèrement, ni sans exemplarité.

Ses conseils pour être un(e) excellent(e) dirigeant(e)

Avoir un directeur du développement durable à ses côtés. Et passer du temps avec lui.

Le plus grand enseignement de Juliette Sicot-Crevet : Oser sortir de sa zone de confort.