Les trois enjeux pour demain Louis Godron, président d’Argos Wityu

Les facteurs de rupture se multiplient : innovations disruptives, révolution digitale, transformation des modes de consommation et de distribution, changements dans l’organisation du travail et dans les attentes des salariés, guerre des talents, enjeux environnementaux.

A cela s’ajoute le dérèglement des approvisionnements et une remise en cause de la mondialisation. 

 

Dans son dernier podcast, Antoine Beaussant interroge Louis Godron, président d’Argos Wityu, acteur de référence du capital investissement en Europe, sur l’impact de ces phénomènes sur les entreprises et les dirigeants et les trois enjeux essentiels pour demain.

Quels sont pour toi les principaux enjeux de la période actuelle pour un dirigeant et pour un actionnaire ?

Louis Godron : On ne s’ennuie pas, ça c’est sûr, ce n’est vraiment pas une période lassante ! Beaucoup d’enjeux sont radicalement nouveaux.

 

Le premier enjeu est d’être capable de pivoter. On n’a jamais connu cela autant qu’aujourd’hui. Il y a évidemment la Covid et toutes les adaptations dans les business modèles et dans les modes de distribution qui vont avec. Et maintenant les enjeux sur la supply chain !  Donc la capacité de s’adapter à un environnement qu’on n’a jamais connu est vraiment essentielle. 

 

Un deuxième enjeu qui est très important de notre point de vue c’est celui de la décarbonation. Je crois que c’est sous-évalué par la majorité des dirigeants aujourd’hui.

Ce sont des enjeux qui vont transformer les business modèles de quasiment toutes les entreprises dans quasiment tous les secteurs. Il n’y a pas que les cimentiers et les producteurs d’électricité qui vont être touchés par cela. Tout le monde va être touché par les enjeux de la décarbonation.

Et que l’on ait une conviction personnelle sur la décarbonation, comme je peux l’avoir, ou qu’on n’en ait pas tellement, on est obligé de toutes façons de prendre conscience aujourd’hui qu’il va se passer quelque chose et que cela va se passer assez rapidement. 

 

Un troisième élément qui nous saute aux yeux depuis quelques mois c’est les nouvelles attentes des « managés », des équipes et des collaborateurs. Les attentes sur ce qu’ils vont trouver au travail, qui évoluent encore plus vite qu’elles ont évolué ces dernières années.

On avait déjà perçu une évolution vers le désir d’avoir un travail qui ait du sens, le désir d’avoir un travail qui permette d’équilibrer vie personnelle et vie professionnelle, avec peut-être un peu moins de concentration sur les enjeux de rémunération ou de temps de travail en l’occurrence.

Cela s’est énormément accéléré avec le travail à la maison mais plus généralement avec une attente, une remise en cause beaucoup plus forte de ce que l’on recherche au travail, qui nous amène tous à modifier assez profondément la manière dont on conçoit les perspectives qu’on trace pour les personnes qui nous soutiennent dans notre travail.

 

Quelles sont pour toi, dans ce contexte, les principales missions du dirigeant ?

Louis Godron : La première mission du dirigeant c’est de définir une vision. Je préfère le mot vision à stratégie parce qu’il ne s’agit pas seulement d’avoir des idées mais il faut avoir des idées qui s’appuient sur l’état initial de l’entreprise sur ses capacités, mais aussi sur ses faiblesses, avoir une vision sur ce que l’on peut tracer comme chemin pour l’entreprise avec les forces en présence au début, et des forces qu’on va renforcer d’ailleurs.

Tout ce travail de transformation, il passe beaucoup par apporter de l’énergie, apporter des ressources supplémentaires, être capables d’attirer des talents supplémentaires, mettre les moyens pour faire de l’innovation, de l’investissement industriel.

La première mission du dirigeant est donc de créer cette vision et aussi d’être capable de l’adapter. J’ai l’habitude de dire que je n’ai jamais vu un seul business plan se réaliser malgré les nombreux business plans étudiés et poursuivis : il faut être capable de s’adapter à des modifications de marché, à des bouleversements parfois négatifs, parfois positif, être capable de pivoter pour adapter la vision.

La deuxième chose c’est la capacité à exécuter la vision, évidemment essentielle.  

La troisième chose, c’est la capacité à entrainer derrière soi.  On ne peut pas exécuter une vision, et encore moins quand c’est une vision de transformation profonde, d’accélération d’entreprise, si on n’a pas cette capacité à mobiliser à entraîner les gens et à faire évoluer des cultures d’entreprises. 

 

Quelles sont les qualités d’un excellent dirigeant ?

Louis Godron : La première qualité c’est la qualité de leadership : cette capacité à entraîner qui est très importante, entraîner tout en écoutant : le leadership ce n’est pas la dictature, c’est un travail d’équipe avec un chef d’équipe. Cette capacité d’un leadership à la fois décidé et à l’écoute est très importante.  

 

La deuxième chose qui va être très importante pour nous c’est la transparence dans la relation avec l’actionnaire. Il y aura des difficultés. Dans quelque dossier sur lequel on s’engage, dans quelque investissement sur des périodes qui vont de trois ans à huit ans, on sait très bien qu’il y aura des choses inattendues et des accidents fâcheux.

C’est très important de qu’il y ait cette transparence et cette confiance pour précisément dépasser au mieux ces moments de difficulté. 

 

La troisième chose qu’il faut c’est le courage. Là aussi c’est très important de s’engager dans des circonstances que l’on sait difficiles : le métier de chef d’entreprise c’est rude. Il y a des moments très excitants, mais il y a aussi beaucoup de moments rudes. Ce que l’on peut apporter nous c’est le partage de la rudesse.

Et pour partager cette rudesse, il faut d’abord la transparence, parce que s’il n’y a pas de transparence, il ne peut pas y avoir ce partage. Mais il faut aussi le courage pour surmonter ces phases-là et on apporte nous aussi notre dose de courage dans ces moments plus difficiles.

 

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